En ce monde où règne plutôt le chaos, avec les conséquences négatives qui en résultent dans la vie de tous et de chacun, j’ai pensé utile d’en appeler à l’harmonie. Naturellement, j’ai bien conscience que peu de personnes liront ce qui suit, mais celles qui le feront se donneront l’occasion de réfléchir sur un sujet qui a toujours tenu à cœur les mystiques.
Dans la mythologie grecque, Harmonie était la fille d’Arès, dieu de la guerre, et d’Aphrodite, déesse de l’amour, deux divinités de nature opposée. Elle épousa Cadmos, fondateur de Thèbes. On rapporte que les dieux assistèrent exceptionnellement au mariage de ce mortel et de cette déesse, et leur offrirent des cadeaux somptueux, dont une lyre en bois précieux à Cadmos, et un magnifique collier à Harmonie. Selon la légende, celui-ci lui fut dérobé et passa aux mains de multiples personnes, qui toutes connurent des destins tragiques. D’une manière allégorique, on peut voir en cela l’illustration du fait que celui ou celle qui rompt l’harmonie en subit tôt ou tard les conséquences, ce qui fait penser à la notion de karma.
Définitions de l’harmonie
Indépendamment de la déesse connue sous le nom d’Harmonie, le mot « harmonie » est défini généralement comme « le rapport heureux entre les parties d’un tout (formes, couleurs, sons, rythmes, etc.), en particulier d’une œuvre artistique ». Cette définition résume à elle seule ce que l’art devrait être à travers la sculpture, la peinture, la musique, etc. Or, force est de constater que nombre d’œuvres supposées artistiques ne le sont que de nom, tant elles révèlent une absence totale d’harmonie, au point même que certaines sont disharmonieuses, disgracieuses, discordantes, etc. Vu sous cet angle, l’art me semble indissociable de deux notions complémentaires : l’esthétique et la beauté.
Une autre définition du mot « harmonie » me paraît intéressante : « État des relations entre des personnes ou dans un groupe humain, qui résulte de l’accord des pensées, des sentiments, des volontés ». En application de cette définition, l’absence totale d’harmonie se traduit alors par la discorde et tout ce qu’elle peut générer en termes d’oppositions, de conflits et même de guerres. Si l’on en juge par l’état actuel du monde, et comme je l’ai dit en introduction, nous devons malheureusement reconnaître qu’il est bien loin d’être harmonieux et que les relations entre les individus, que ce soit d’ailleurs à l’intérieur d’un même pays ou entre pays différents, sont plutôt chaotiques.
Comment faire pour vivre en harmonie les uns avec les autres ? Tout d’abord, il faut le vouloir. Autrement dit, ce doit être un but en soi, un objectif que l’on souhaite atteindre dans l’intérêt de tous. Pour y parvenir, je pense que le mieux est d’appliquer cet adage connu de tous : « Ne pas faire à autrui ce que l’on ne voudrait pas qu’il nous fasse », et inversement : « lui faire ce que l’on voudrait qu’il nous fasse ». De toute évidence, tout être humain, à moins de souffrir d’un déséquilibre psychologique, préfère que l’on soit bienveillant à son égard, compréhensif, compatissant, respectueux, fraternel, amical…, que l’inverse. Aussi, soyons-le autant que possible dans la vie quotidienne, ce qui aura nécessairement pour conséquence de rendre harmonieuses les relations avec les autres.
L’harmonie avec les autres
Que faire pour que les relations entre les pays soient également harmonieuses ? Le mieux, me semble-t-il, est d’adopter la devise de Socrate : « La Terre est ma patrie, l’Humanité est ma famille ». Cela revient à penser et à agir en citoyens du monde, et non comme des nationalistes “purs et durs”, préoccupés uniquement par les intérêts de leur pays, de leur nation, à l’exclusion des autres. Outre les citoyens “de base”, il faudrait aussi que ceux et celles qui dirigent les États montrent l’exemple en la matière et favorisent entre eux la coopération plutôt que la compétition, quand ce n’est pas l’opposition et la division. Qu’on le veuille ou non, le monde est devenu un seul pays, de sorte que les destins de tous les êtres humains sont liés. Ne pas admettre cette évidence est en soi une cause de discorde.
S’il est important de cultiver l’harmonie entre les individus, et par extension entre les pays, il est primordial également de la réaliser en nous-mêmes, et ce, sur les quatre plans de notre être : sur le plan physique, en accordant le soin voulu à notre santé ; sur le plan mental, en nous efforçant d’avoir de bonnes pensées ; sur le plan émotionnel, en nous évertuant à entretenir de beaux sentiments ; sur le plan spirituel, en œuvrant à l’évolution de notre âme et en prenant le temps de nous harmoniser régulièrement avec l’idée que nous nous faisons de Dieu, ce qui suppose d’avoir une approche spiritualiste de l’existence. En fait, il me semble impossible de vivre en harmonie avec les autres si on n’est pas en harmonie avec soi-même.
Certes, chacun est libre d’être athée et de nier l’existence de Dieu et la présence en lui d’une âme. Mais je pense sincèrement que dans ce cas, et même si on n’en a pas conscience, il nous manque quelque chose d’essentiel à notre être, de sorte que l’on ne peut être totalement en harmonie avec soi-même. Teilhard de Chardin, ce grand mystique gnostique, a dit « Nous ne sommes pas des êtres humains vivant une expérience spirituelle ; nous sommes des êtres spirituels vivant une expérience humaine ». Comme le laisse entendre cette déclaration que je partage pleinement, tout être humain a autant besoin de nourriture spirituelle que matérielle. S’il en manque, il ne peut être pleinement équilibré, pleinement épanoui, pleinement heureux. Dès lors, il est difficile pour lui, non seulement d’être en harmonie avec lui-même, mais également avec les autres.
L’harmonie avec la nature
Mais que serions-nous sans la nature ? Non seulement nous lui devons la vie, mais c’est en elle également que réside notre survie. En cela, elle est effectivement la mère de tous les êtres vivants qui peuplent notre planète, mais une mère à laquelle nous sommes liés tout au long de notre existence et dont nous dépendons au quotidien, jusqu’à l’instant de notre mort. Comme chacun sait, elle est régie par des lois dites naturelles, lesquelles sont fondamentalement constructives et en recherche constante d’équilibre, parfois au-delà des apparences. Or, le bien-être auquel nous aspirons dépend également de notre aptitude à respecter ces lois et à vivre en harmonie avec elles. Cela suppose de les étudier, ce que font les Rose-Croix à travers l’enseignement qui leur est proposé.
S’il est vital de vivre en harmonie avec la nature, la Terre, qui l’a enfantée, fait partie intégrante de l’univers. Les astrophysiciens s’accordent à dire qu’il est né il y a environ 13,8 milliards d’années, suite à une explosion cosmique qu’ils assimilent au Big Bang. Loin d’être chaotique, il est ordonné, d’où le nom de « cosmos » que les Grecs lui avaient donné. On peut même dire qu’il est harmonieux, comme en témoigne la beauté des galaxies qui le composent et celle de la voie lactée qui s’offre la nuit à notre regard. C’est ce qui explique pourquoi les mystiques en général et les Rose-Croix en particulier se disent sensibles à l’Harmonie cosmique. Selon eux, cette Harmonie n’est pas le fruit du hasard; elle prend sa source en Dieu, qu’ils considèrent comme l’Intelligence cosmique qui est à l’origine de toute la Création et qui se manifeste à travers elle au moyen de lois naturelles, mais aussi universelles et spirituelles.
Que vous soyez athée ou spiritualiste, vous conviendrez certainement que tout être humain, là encore à moins de souffrir d’un déséquilibre psychologique, aspire à vivre en harmonie avec lui-même, les autres (notamment ses proches) et la nature. Instinctivement, il sent que c’est là que se trouve la clé du bien-être et du bonheur qu’il recherche au contact d’autrui, que ce soit au sein de la famille, dans le milieu professionnel ou dans la société en général. S’il en est ainsi, c’est parce que cette quête d’harmonie fait partie intégrante de notre être. D’un point de vue rosicrucien, elle est un attribut de notre âme et répond à un désir et à un besoin innés que nous devons satisfaire dans notre intérêt propre et dans celui des autres.
En conclusion, et si vous avez été sensible à cet « Appel à l’harmonie », je vous propose de prendre vis-à-vis de vous-même l’engagement suivant : « Conscient(e) de la nécessité de vivre en harmonie avec moi-même, les autres et la nature, je m’engage à faire tout mon possible pour la favoriser en tout lieu et en toute circonstance ». Naturellement, libre à vous de partager ce texte avec qui bon vous semble.
Dans les liens de l’harmonie,
Serge Toussaint
Grand Maître