APPEL À LA NON-VIOLENCE
De Serge Toussaint, Grand Maître de l’Ancien et Mystique Ordre de la Rose-Croix
De l’avis même de nombreux sociologues, nous vivons, tous pays confondus, dans une société de plus en plus violente, et le nombre d’assassinats, de crimes et d’agressions en tous genres ne cesse d’augmenter, avec son lot de victimes et de familles meurtries. Pris dans la tourmente, des écoles, des collèges, des lycées, des facultés et des universités, qui par nature devraient être des lieux paisibles et sécurisants, sont désormais le théâtre d’une violence quasi quotidienne, qui va du harcèlement au crime, en passant par l’intimidation et le racket.
Malgré l’évidence du constat, certains continuent à dire que la société actuelle n’est pas plus violente qu’il y a quelques décennies, et que si elle semble l’être, c’est uniquement parce que les médias la mettent en exergue et l’utilisent pour alimenter leurs chroniques, sachant qu’elle est malheureusement un pôle d’intérêt plus ou moins morbide pour de nombreux lecteurs, auditeurs, téléspectateurs et internautes. De mon point de vue, cette vision des choses est erronée et s’apparente au mieux à une forme d’angélisme, au pire à une forme de complaisance irresponsable.
Les causes de la violence
Face à cette montée généralisée de la violence, beaucoup de personnes s’interrogent sur les causes de cette situation à la fois dramatique et préoccupante. Nombre de raisons consensuelles sont évoquées, tant par les “citoyens de base” que par les “élites” : chômage, misère sociale, sentiment d’injustice, frustration, impression d’insécurité, échec scolaire, etc. Certes, ce sont là des facteurs générateurs de violence, mais je pense que sa cause majeure réside dans la violence elle-même, telle qu’elle est exaltée à la télévision, au cinéma, sur internet et à travers les jeux vidéo.
Certains psychologues prétendent que la violence qui s’exprime à travers les films et les jeux vidéo est utile, en ce sens qu’elle permettrait aux personnes qui les regardent ou les utilisent d’exprimer et d’exorciser la violence que tout être humain possède à l’état latent, leur évitant ainsi de passer à l’acte. En ce qui me concerne, il est évident que cette violence virtuelle ne fait qu’entretenir, développer et banaliser celle qui sévit dans la société, à tel point que certains crimes et délits s’inspirent de scènes vues sur le “petit” ou le “grand” écran. Prétendre qu’elle sert d’exutoire me semble un non-sens.
Pour éradiquer la violence, il ne suffit pas de lutter contre les inégalités, les discriminations, les frustrations, les échecs, etc. Il faut également faire en sorte qu’elle ne soit plus aussi présente dans les films et autres supports audio et vidéo. Certes, nul n’est obligé de regarder ce genre de films ou de s’adonner à des jeux violents, mais dès lors qu’ils sont proposés au grand public, on doit bien se douter que des milliers, voire des millions de personnes (adultes, adolescents et enfants) le feront, avec tout ce qui en résulte de négatif pour eux-mêmes et la société en général.
Que faire pour que la violence soit moins présente à la télévision et au cinéma ? L’idéal serait que les programmateurs, les producteurs, les réalisateurs, les acteurs et autres personnes impliquées prennent conscience qu’ils contribuent à l’exalter et à la banaliser, et que chacun d’eux cesse de le faire à son niveau. Hélas, la violence est devenue un produit marketing qui profite financièrement à tous ceux qui la mettent en scène. Pour qu’elle disparaisse des écrans, il faudrait donc faire en sorte qu’elle soit moins “consommée”, notamment par les jeunes. Cela pose naturellement tout le problème de l’éducation.
Les choses étant ce qu’elles sont, force est de constater que la violence est devenue une culture qui s’étend désormais à tous les pays et tous les milieux sociaux. Fondée sur la loi du plus fort ou du plus puissant, elle prend des formes diverses et s’attaque aussi bien aux corps qu’aux esprits. Qu’elle soit physique ou psychologique, elle est plus que jamais une atteinte à la dignité et à l’intégrité de la personne humaine. Tel un cancer, elle ronge le corps social et l’affaiblit, non sans provoquer des tensions et des réactions sécuritaires préjudiciables au « Bien vivre ensemble ».
Promouvoir une culture de la non-violence
Pour mettre un terme à cette culture de la violence, il n’y a pas d’autre solution que de promouvoir une culture de la non-violence, ce à quoi les Rose-Croix se sont toujours consacrés, à l’instar de Comenius, considéré de nos jours comme le père spirituel de l’U.N.E.S.C.O., mais également de Nicolas Roerich, qui fut un membre éminent de l’Ancien et Mystique Ordre de la Rose-Croix. Et quoi qu’on en dise, c’est avant tout aux parents de le faire. Certes, les enseignants doivent également se sentir concernés, mais leur rôle premier est d’instruire et non pas d’éduquer. Si l’on se décharge autant sur eux pour assumer l’éducation des enfants et des adolescents, c’est malheureusement parce que nombre de parents ont démissionné dans ce domaine ou n’ont plus les repères voulus.
Par définition, l’instruction consiste à transmettre des connaissances en vue de contribuer à la culture générale des enfants, puis à préparer les adolescents à entrer dans le monde professionnel. Quant à l’éducation, elle a pour but de leur inculquer des valeurs civiques et éthiques, pour ne pas dire morales, et à travers elles le respect que l’on doit manifester aux autres, que ce soit dans le cadre familial, dans le milieu scolaire, ou dans l’environnement social. Parmi ces valeurs, il y a notamment ces qualités que sont la patience, le courage, la tolérance, l’honnêteté et naturellement la non-violence.
Pour inculquer la non-violence à leurs enfants, la première chose à faire pour les parents consiste à leur donner l’exemple d’un comportement non-violent, tant au sein de la cellule familiale qu’à l’égard des personnes qu’ils côtoient ou rencontrent dans leur vie sociale. Cela suppose pour eux de se montrer aussi calmes et paisibles que possible au quotidien, et de s’évertuer à réagir tout aussi calmement et paisiblement en cas de provocation, voire d’agression. Certes, cela nécessite, sinon une certaine maîtrise de soi, du moins la volonté de se maîtriser lorsque cela est nécessaire. Mais l’enjeu n’en vaut-il pas la peine ?
Donner l’exemple d’un comportement non-violent ne suffit pas pour éveiller les enfants à la non-violence. Il faut aussi que les parents, et les adultes en général, condamnent la violence sous toutes ses formes, y compris verbale et écrite, comme c’est le cas à travers les “réseaux sociaux”. Il faut également qu’ils ne la cautionnent pas. Compte tenu de ce que j’ai dit précédemment au sujet des films violents, cela implique qu’ils ne laissent pas leurs enfants les regarder, mais qu’eux-mêmes ne les regardent pas. Dans le même ordre d’idée, cela suppose qu’ils ne se livrent pas à des activités violentes, et dissuadent leurs enfants de le faire.
Puisque la violence est un vecteur de désagrégation sociale, et puisque la non-violence fait partie des vertus que l’éducation devrait inculquer, permettez-moi de rappeler les paroles de Platon, à l’aube du déclin de la civilisation grecque : « Lorsque les pères s’habituent à laisser faire les enfants, lorsque les fils ne tiennent plus compte de leurs paroles, lorsque les maîtres tremblent devant leurs élèves et préfèrent les flatter, lorsque finalement les jeunes méprisent les lois parce qu’ils ne reconnaissent plus au-dessus d’eux l’autorité de rien ni de personne, alors, c’est là en toute beauté et en toute jeunesse le début de la tyrannie ».
Si vous partagez les idées exprimées dans cet « Appel à la non-violence », je vous invite à le relayer et à prendre vis-à-vis de vous-même l’engagement suivant : « Conscient de la nécessité d’œuvrer à l’avènement d’une culture de la non-violence, je m’engage à faire tout mon possible pour éviter toute violence dans mon comportement et ne pas la cautionner, sous quelque forme que ce soit. »
Avec mes meilleures pensées.
Fraternellement.
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