Il y a quelque temps, j’ai lancé un « appel à la tolérance » et un « appel à la non-violence », étant entendu que j’ai bien conscience que ces appels ne peuvent avoir qu’un écho limité, comme l’est le nombre de personnes qui consultent ce blog. Dans la lignée de ces deux appels, il m’a semblé utile et même nécessaire d’en appeler à la bienveillance. D’autres l’ont déjà fait, et l’on ne peut que s’en réjouir. Mais j’ai souhaité apporter la contribution des Rose-Croix à cette cause qu’eux-mêmes s’efforcent de servir, en application de leur enseignement et de leur philosophie.
Qu’est-ce que la bienveillance ?
Comme son nom l’indique, la bienveillance est la vertu qui consiste à être bienveillant, c’est-à-dire à faire le bien. Par opposition, on est malveillant à partir du moment où l’on fait intentionnellement le mal. Mais qu’est-ce que le bien ? D’une manière générale, nous pouvons considérer qu’il s’agit de toute pensée, toute parole ou toute action contribuant au bien-être et au bonheur des autres. Par opposition, le mal correspond à tout comportement mettant en cause leur intégrité physique, mentale ou spirituelle. Pour paraphraser ce que tous les sages du passé ont enseigné à ce sujet, la bienveillance consiste donc à faire à autrui ce que l’on voudrait qu’il nous fasse, et à ne pas lui faire ce que l’on ne voudrait pas qu’il nous fasse. Cela implique, sinon d’aimer notre prochain, du moins de le respecter et de ne jamais chercher à lui nuire, de quelque façon que ce soit et pour quelque raison que ce soit.
D’un point de vue philosophique, il est plus difficile de faire le bien que le mal, tout du moins tant qu’on n’a pas atteint un niveau de conscience suffisamment élevé. En effet, faire le bien implique un effort constant pour mettre le meilleur de soi-même au service d’autrui ou d’une noble cause. À l’inverse, pour faire le mal, il suffit de laisser nos défauts se manifester dans notre comportement, voire de nous limiter à être passifs. À titre d’analogie, il est impossible d’avoir un beau jardin si l’on ne s’emploie pas régulièrement à le cultiver et à l’entretenir, ce qui nécessite un travail permanent. Dans le cas contraire, les mauvaises herbes l’envahissent rapidement, le dénaturent et le transforment en friche. De même, la bienveillance nécessite, non seulement de faire le bien, mais également de s’opposer au mal et même de le combattre, d’où le symbolisme traditionnel de l’épée.
En extrapolant quelque peu les explications précédentes, nous pouvons dire que la malveillance est l’absence de bienveillance. Apparemment, il s’agit là d’un truisme. Pourtant, tel n’est pas le cas, car l’expérience prouve que ne pas faire le bien peut s’apparenter au mal, et ce, d’autant plus que l’on a conscience de ce qui est bien ou mal dans le comportement humain. Cette notion est d’ailleurs présente dans la plupart des religions, puisqu’elles condamnent aussi bien les erreurs par commission que les erreurs par omission. Dans l’absolu, cela signifie par exemple que ne pas venir en aide à une personne qui tombe à proximité de nous est presqu’aussi coupable que de la faire tomber. Naturellement, cet exemple peut sembler caricatural, mais il montre que faire le bien, ce n’est pas se limiter à ne pas faire le mal. Par extension, on n’est pas bienveillant sous prétexte qu’on n’est pas malveillant ; on peut tout simplement être neutre. Or, la neutralité n’est pas nécessairement quelque chose de positif.
« La majorité des gens aspirent à faire le bien »
S’il est un fait que la majorité des gens aspirent à faire le bien, il y en a relativement peu qui concrétisent cette aspiration par des actes correspondants, au point d’en faire l’idéal de leur vie. En revanche, les personnes qui sont animées par le désir de nuire sont souvent très actives pour mettre en pratique leur malveillance, car cela correspond à un besoin “vital” pour elles et leur sert d’exutoire. C’est pour cette raison que le mal semble si présent dans la vie courante, d’autant plus que nous y sommes à la fois sensibles et sensibilisés. Cela dit, et contrairement à ce que l’on pourrait croire a priori, le bien, lorsqu’il est actif, est en réalité beaucoup plus puissant que le mal. En termes de comparaison, sa supériorité est semblable à celle de la lumière sur les ténèbres, tant il est vrai qu’une simple lueur suffit à éclairer l’obscurité.
Sans aller jusqu’à considérer les cas extrêmes de malveillance, qui fort heureusement sont relativement rares en proportion, il faut reconnaître que ce défaut de la nature humaine est assez fréquent dans ses formes les plus anodines en apparence. Dans cet ordre d’idée, vous avez certainement remarqué que beaucoup de personnes sont plus enclines à critiquer leur prochain qu’à faire l’éloge de ses qualités. Ainsi, très rares sont les conversations ou les discussions au cours desquelles « on » ne dit pas de mal d’untel ou untel. À cet égard, la médisance a de nombreux adeptes et porte en elle tout un cortège de méchancetés. Pire encore est la calomnie, car elle se nourrit de haine et se délecte dans le mensonge. La bienveillance implique au contraire de ne jamais médire de quiconque et, naturellement, de ne calomnier qui que ce soit.
S’il est un fait que la médisance et la calomnie constituent en elles-mêmes deux formes de malveillance, se complaire à écouter ceux qui médisent ou calomnient est tout aussi coupable. Dès lors que l’on est profondément bienveillant, on doit se refuser pareille complaisance et même montrer que l’on n’apprécie pas d’entendre des propos malveillants à l’encontre d’autrui. Comment ? Soit en prenant congé de notre interlocuteur, soit en “positivant” la conversation. Cela n’est pas toujours facile et nécessite un certain courage, car peu de personnes apprécient qu’on leur fasse remarquer, même avec tact et courtoisie, que l’on ne se grandit pas en rabaissant les autres. Mais lorsque l’on a choisi d’œuvrer au service du bien, il faut savoir montrer sa différence morale et ne pas cautionner un comportement que l’on désapprouve. Si on ne le fait pas, on se rend complice de malveillance, car chacun sait que « Qui ne dit mot consent ».
En fait, la bienveillance est une expression de l’amour que l’homme peut et doit manifester, non seulement envers les êtres qui lui sont chers, mais également vis-à-vis de tout individu. Or, s’il est facile d’aimer les personnes qui nous aiment, notamment celles avec lesquelles nous partageons notre vie, il est beaucoup plus difficile d’être bienveillant à l’égard de celles qui nous sont “étrangères” sur le plan affectif ou autre. S’il en est ainsi, c’est parce que nous avons tendance à privilégier le “groupe” auquel nous appartenons, tendance qu’il faut apprendre à dépasser. Cela veut dire que le seul moyen d’exprimer de la bienveillance à l’égard de quiconque est de comprendre que tous les êtres humains sont des frères et sœurs, et qu’ils sont liés par leur origine et leur destinée. C’est pourquoi tout bien que l’on fait à autrui est un bien que l’on se fait à soi-même.
« Aimer son prochain comme soi-même »
Dans son expression la plus élevée, la bienveillance est l’aptitude à « aimer son prochain comme soi-même », commandement que de nombreux sages du passé, et pas seulement Jésus, ont enseigné aux hommes. Cela dit, nous devons reconnaître qu’un tel commandement dépasse les possibilités du commun des mortels et correspond encore à un idéal à atteindre. En raison de notre imperfection du moment, il faut admettre que nous sommes incapables d’aimer tout le monde, à plus forte raison ceux qui ne nous aiment pas. Soyons donc modestes dans ce domaine, et efforçons-nous déjà de ne faire de tort à personne, non seulement en action, mais également en parole. En cela, l’absence totale de haine peut être considérée comme une forme primitive d’amour.
Si l’amour est l’expression la plus élevée de la bienveillance, la haine est la manifestation la plus extrême de la malveillance. C’est sous son impulsion que les hommes cherchent à se nuire et vont jusqu’à s’entretuer. Vous noterez que ce sentiment destructeur est le propre de l’être humain, car aucun animal ne peut être qualifié d’haineux. Au pire, il est dangereux, ce qui n’est pas du tout la même chose. À titre d’exemple, un ours qui s’attaque à une personne le fait pour la mettre en fuite, se défendre ou éventuellement se nourrir, mais pas dans le but délibéré de la faire souffrir. Si la haine est le propre de l’homme, c’est parce qu’il possède le libre arbitre. Il a donc le pouvoir de faire le mal aussi longtemps qu’il n’a pas compris qu’il est destiné à faire le bien et à exprimer dans son comportement les vertus inhérentes à son âme, laquelle est pure et parfaite en essence.
Sans aller jusqu’à dire que le monde actuel est malveillant, chacun devrait convenir qu’il manque de bienveillance. Outre les guerres et autres conflits qui ravagent de nombreux pays, outre les violences en tous genres qui minent nos sociétés, beaucoup de personnes se montrent vindicatives, agressives, médisantes… envers les autres, et ce, d’autant plus que leurs opinions politiques, leurs croyances religieuses, leurs centres d’intérêt… diffèrent. Pour s’en convaincre, il suffit de “surfer” sur Internet et de constater à quel point la malveillance et l’intolérance y sont présentes. Que l’on soit spiritualiste ou non, nous avons donc tout intérêt à cultiver la bienveillance à l’égard de nos proches, mais également de celles et de ceux que nous côtoyons au quotidien. Ce faisant, nous contribuerons à apaiser les relations humaines et à les rendre plus harmonieuses.
Si vous partagez les idées exprimées dans cet « Appel à la bienveillance », je vous invite à le relayer et à prendre vis-à-vis de vous-même l’engagement suivant : « Conscient(e) que la société manque de bienveillance et tend à se durcir, je m’engage à cultiver cette vertu et à faire de mon mieux pour la manifester dans mes relations avec autrui. »
Dans les liens de la bienveillance.
Serge Toussaint