Trois modes d’expression
Comme cela est expliqué dans l’Ordre de la Rose-Croix, l’être humain dispose de trois modes d’expression : la pensée, la parole et l’action. A priori, penser n’est pas vraiment agir, car cela ne se voit pas, ne s’entend pas et, d’une manière générale, ne se perçoit pas au moyen des facultés objectives. Pourtant, nos pensées ont une influence sur nous-mêmes et sur autrui. Lorsqu’elles sont positives, c’est-à-dire fondées sur de bons sentiments, elles bénéficient à tout notre être et créent une bonne ambiance autour de nous. Lorsqu’elles sont négatives, c’est-à-dire empreintes de mauvais sentiments, elles nous affectent intérieurement et génèrent une mauvaise ambiance dans notre environnement immédiat. S’il en est ainsi, c’est parce qu’elles s’apparentent à des vibrations qui, selon leur nature intrinsèque, véhiculent une énergie positive ou négative. Vu sous cet angle, penser revient à agir mentalement, positivement ou négativement.
La non-action
Étant donné que l’on ne peut pas ne pas penser ou ne penser à rien, la non-action mentale est impossible, d’où l’importance qu’il faut accorder à la nature de nos pensées. En revanche, il est possible de ne pas agir verbalement et de se taire ; comme on le dit familièrement, il suffit pour cela de « faire silence ». Une telle chose n’est ni simple ni facile, car sous l’impulsion de l’ego, nous avons tendance à vouloir nous exprimer au nom du « moi je », parfois même à nous mettre en avant et à monopoliser la parole. Le seul moyen d’y parvenir consiste à cultiver l’humilité et à se conformer autant que possible à cet adage que vous connaissez certainement et que les Rose-Croix s’efforcent d’appliquer au quotidien : « Si ce que tu t’apprêtes à dire n’est pas plus beau que le silence, abstiens-toi de parler. »
Les limites de la non-action
Tout comme il est impossible de ne pas penser, on ne peut pas s’abstenir durablement d’agir physiquement, au sens d’être immobile et de ne faire aucun geste durant des heures, sauf si une maladie ou un handicap nous y contraint. En effet, la vie courante nous oblige à marcher, à bouger, à saisir des objets, à utiliser des outils, en un mot, à être actifs sur le plan physique, corporel. Vous noterez d’ailleurs qu’il est très difficile de ne pas bouger, de rester totalement immobile. Si tel est le cas, c’est parce que le corps humain a besoin d’être en mouvement à l’état de veille, et c’est à juste titre que l’on dit de lui qu’il est « un véhicule ». Le seul moment où il est censé ne pas (trop) bouger, c’est lorsque nous dormons, étant entendu que de nombreuses personnes « remuent » la nuit. En fait, ce n’est qu’à la mort qu’il devient véritablement inerte.
Le discernement
Indépendamment de l’aspect “physiologique” de la non-action, il y a l’attitude qui consiste, dans une situation donnée, à ne pas agir délibérément ; non par paresse, désinvolture, désintérêt, laxisme…, mais parce que l’on pense alors qu’il est préférable de ne pas s’impliquer ou de ne pas réagir, non seulement dans notre intérêt, mais également dans celui des autres. Dans ce cas, la non-action correspond à un choix raisonné qui, a priori, constitue la meilleure solution au problème rencontré. Si je dis « a priori », c’est parce que ce choix peut être mauvais et, finalement, ne rien résoudre, voire empirer les choses. C’est alors que l’on regrette de ne pas avoir agi, m²ais il est trop tard.
« L’amour de la sagesse »
Opter pour la non-action dans telle ou telle situation est une décision difficile à prendre, car ne pas agir en certaines circonstances peut avoir des conséquences beaucoup plus graves que si l’on avait agi à bon escient. Ne pas agir plutôt qu’agir nécessite donc d’avoir du discernement et d’être animé par le désir sincère de faire au mieux. Cela suppose également de vouloir se montrer bien intentionné plutôt que mal intentionné, ouvert plutôt que fermé, non violent plutôt que violent. C’est pourquoi la non-action est généralement considérée comme une attitude qui relève de la philosophie, au sens littéral du terme, à savoir « amour de la sagesse ». D’où cette déclaration de Khrisnamurti : « Lorsqu’elle est bien pensée, la non-action est la meilleure des actions. »