Tout d’abord, je tiens à préciser que les propos qui vont suivre expriment mon point de vue personnel et ne représentent pas la position officielle de l’A.M.O.R.C. En effet, celui-ci cultive depuis toujours la pluralité d’opinions et de croyances, de sorte qu’il n’y a ni uniformité ni unanimité de pensée parmi ses membres et ses dirigeants. Rappelons en effet qu’il compte parmi eux des Chrétiens, des Juifs, des Musulmans, etc., ainsi que des hommes et des femmes qui ne suivent aucune religion. De même, il regroupe des personnes ayant des sensibilités politiques différentes, voire opposées.
La liberté d’expression
La liberté d’expression est un bien précieux que chacun devrait approuver et apprécier. Son obtention s’est faite dans la plupart des pays au prix du sang et des larmes, et là où elle n’existe pas, les citoyens en souffrent sur tous les plans. Dans les démocraties, elle est fondée essentiellement sur l’article 19 de la « Déclaration universelle des droits de l’homme» : «Tout individu a la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit. » C’est d’ailleurs sur cet article que reposent en grande partie les critères retenus par le droit et la justice pour statuer sur les litiges mettant en cause la libeté d’expression.
L’importance de l’éthique
Si j’adhère à l’approche constitutionnelle et juridique de la liberté d’expression, je pense néanmoins qu’une telle approche ne suffit pas pour en justifier l’usage systématique. Il me semble en effet qu’il faut lui adjoindre une dimension éthique fondée sur la notion de respect et de tolérance. Dire ou écrire tout ce que l’on pense au nom de cette liberté crée nécessairement des polémiques, des clivages, des oppositions, des divisions et autres rapports de force qui dressent les individus, les communautés, les religions, les partis politiques… les uns contre les autres. Or, plus que jamais, il faut œuvrer à l’harmonie, au rapprochement et à l’union, ce qui n’est possible qu’en favorisant le dialogue, l’échange et l’écoute.
Quid des propos diffématoires ?
Les premiers à revendiquer la liberté d’expression sont les journalistes. Cela se comprend d’autant mieux que leur profession, voire leur vocation, est fondée sur l’usage de cette liberté. Mais sans vouloir polémiquer, il n’est pas rare que des propos publiés dans la presse ou dans des livres, tenus à la radio ou à la télévision, soient erronés, mensongers, diffamants, et même diffamatoires. On nous dira qu’il est alors possible d’obtenir un droit de réponse. Certes, mais c’est une entreprise beaucoup plus difficile qu’on ne le pense et qui ne répare jamais pleinement le préjudice subi. On nous dira également que l’on peut saisir la justice. C’est vrai, mais là aussi, il est très difficile de faire reconnaître la diffamation, car il faut prouver qu’il y avait intention de nuire plus que d’informer…
L’anonymat sur internet
Mais c’est sur internet que la liberté d’expression atteint son paroxysme dans la nuisance. Non seulement chacun peut dire et écrire ce qu’il veut à propos de tout et de tous, mais il a la possibilité de le faire d’une manière anonyme, ce qui est à la fois immoral et antidémocratique. Comme chacun sait, nombre d’internautes se cachent et s’abritent derrière cet anonymat pour répandre des rumeurs, des mensonges et des calomnies, “régler des comptes”, inciter à la haine… Saisir la justice et obtenir gain de cause est très difficile, car le cadre juridique est quasiment inopérant. Par ailleurs, les hébergeurs ne sont pas soumis aux mêmes lois d’un pays à l’autre, de sorte qu’il est toujours possible d’en trouver un pour s’exprimer sans risque.
Ne pas confondre « Liberté » et « libertarisme »
Avant de faire usage de la liberté d’expression, que ce soit de vive voix, à travers les médias, par le biais d’internet ou autre, chacun devrait se demander si ce qu’il va dire ou écrire est fondé, utile, objectif et juste, au sens noble du terme. Si tel n’est pas le cas, l’idéal, me semble-t-il, est d’avoir la sagesse de s’auto-censurer, ce que nombre de personnes refusent de faire, soit disant au nom de la liberté d’expression. Ne s’agit-il pas plutôt d’un manque d’éthique et de sagesse ? Quoi qu’il en soit, ne confondons pas « liberté » et « libertarisme », lequel donne lieu à tous les abus et excès de langage.