Le “durcissement” de la société
De mon point de vue, la gentillesse est une qualité, pour ne pas dire une vertu, au même titre que l’humilité, la générosité, la tolérance, etc. Malheureusement, la société a tellement perdu ses repères moraux et éthiques que cette qualité est considérée de nos jours, sinon comme un défaut, du moins comme une faiblesse. C’est ainsi qu’elle est perçue, au mieux comme de la naïveté, au pire comme de la niaiserie. Aux yeux de nombreuses personnes, il est même devenu anormal, pour ne pas dire suspect, d’être gentil. Cela traduit le “durcissement” qui s’est produit dans les rapports humains au cours des dernières décennies.
Qu’est-ce que la gentillesse ?
Qu’est-ce que la gentillesse ? D’une manière générale, c’est l’attitude qui consiste à être aimable et sympathique dans ses relations avec autrui, étant entendu que cette amabilité et cette sympathie ne doivent pas être feintes, mais sincères et désintéressées. C’est aussi être serviable et attentionné, c’est-à-dire attentif et non pas indifférent aux autres. En fait, la gentillesse inclut en elle-même de nombreuses qualités qui facilitent la vie en société et la rendent plus agréable. Imaginez ce que serait le monde si les gens étaient gentils les uns envers les autres, au sens que je viens d’expliciter. Assurément, il serait infiniment plus fraternel et paisible.
« La gentillesse est devenue suspecte »
D’année en année, le sentiment d’insécurité et l’individualisme qui prévalent dans la société ont rendu la gentillesse encore plus suspecte aux yeux de nombreux citoyens. Alors qu’elle devrait susciter de bons sentiments chez ceux qui en bénéficient, et même une certaine reconnaissance de leur part, elle donne lieu à de la suspicion quand ce n’est pas de l’agressivité. Pour beaucoup, le fait d’être gentil cache nécessairement quelque chose “de louche”, d’où le sentiment de méfiance à l’égard d’une personne gentille. À défaut de voir en elle quelqu’un de naïf, ce qu’elle n’est pas nécessairement, on en est venu à la soupçonner d’être hypocrite ou intéressée.
Gentillesse et naïveté
À propos de naïveté, je n’y vois pas l’expression d’un manque d’intelligence. Bien souvent, les personnes que l’on dit ″naïves″ ont le tort, si j’ose dire, de ne pas voir le mal et de ne pas être suspicieuses à l’égard d’autrui. En règle générale, elles sont confiantes et bienveillantes de nature, ce qui est positif en soi. De ce fait, elles sont enclines à être gentilles, non seulement avec leurs proches, mais également avec les autres en général. Ce sont donc de bons voisins, de bons collègues de travail, de bons amis. C’est précisément ce que les Rose-Croix s’efforcent d’être dans la vie courante, que ce soit envers leurs proches ou ceux et celles que la vie met sur leur chemin.
Gentillesse et non-violence
Naturellement, être gentil(le) ne veut pas dire tout accepter et tout tolérer, car il y a des comportements inacceptables et intolérables. Tel est notamment le cas de ceux qui portent atteinte à l’intégrité et à la dignité de la personne humaine, ou à la nature dans son ensemble. De même, cela ne consiste pas à “tendre la joue gauche si on nous frappe sur la joue droite”, mais plutôt à ne pas alimenter les rapports de force et à ne pas répondre à la violence par la violence. Vue sous cet angle, la gentillesse est indissociable de la non-violence et évite les rapports de force entre individus. Quoi qu’il en soit, en cette époque où les tensions sont multiples, il serait bien de la réhabiliter et d’en faire le fondement des relations entre citoyens.