Depuis plusieurs décennies maintenant, ce que l’on désigne sous le nom d’«intelligence artificielle» ne cesse de se développer et de s’introduire dans de plus en plus de secteurs de l’activité humaine, notamment à travers la robotique. Personnellement, j’ai des difficultés à comprendre comment un ensemble de fils, de connexions, de puces électroniques, de microprocesseurs, de circuits imprimés, de réseaux quantiques, de synapses artificielles, etc., sont capables de générer une intelligence, comme le cerveau le fait au moyen des milliards de neurones et de connections qui le composent. De ce point de vue, j’admire l’aptitude des informaticiens et autres techniciens à concevoir des logiciels et des machines capables de “penser” et de prendre des “décisions”, voire des “initiatives”. C’est là une preuve du génie dont l’homme est capable sur le plan matériel.
Mais si j’admire la performance intellectuelle et technologique qui sous-tend l’existence de l’intelligence artificielle, je suis très dubitatif sur l’usage qui en est fait, et plus encore sur celui que l’on en fera dans le futur. Dans nombre de domaines, la robotique a remplacé l’être humain. C’est une bonne chose lorsque c’est pour le soulager de tâches manuelles ou intellectuelles fatigantes et stressantes. À titre d’exemple, on ne peut que trouver bien que ce soit désormais un robot qui retire des fours le métal en fusion. En revanche, est-ce une bonne chose de se faire servir par un humanoïde dans certains restaurants, comme cela se fait au Japon ? Il me semble évident que l’excès de machinisme et de robotique est dans de nombreux pays l’une des causes majeures du chômage. Il est aussi responsable de la déshumanisation de la société.
Il est indéniable que le développement de la (haute) technologie a contribué à améliorer considérablement la condition humaine. Mais ce qui pose problème, c’est qu’elle évolue beaucoup plus rapidement que les consciences, de sorte que l’usage qui en est fait peut être un danger pour l’humanité, notamment sur les plans socio-économique et écologique. Quand on sait que la plupart des transactions boursières sont effectuées en quelques fractions de seconde par des ordinateurs et non par des êtres humains, comment ne pas craindre le bug qui provoquerait la faillite de telle économie nationale, voire de l’économie mondiale ? Dans un tout autre domaine, des voitures sans chauffeur sont en cours de conception. Comment être certain que l’intelligence artificielle qui les conduira sera infaillible ?
«Intelligence» ne veut pas dire «conscience». C’est ainsi que l’intelligence artificielle possède actuellement la capacité de “penser”, mais n’a pas conscience qu’elle le fait ni pourquoi. Autrement dit, aucune machine, aucun robot, n’est à ce jour conscient de lui-même, ni de ce qui est fondamentalement bon ou mauvais dans le comportement humain. Par ailleurs, aucune ni aucun ne ressent d’émotions, telles que la joie, la peine, la compassion, l’amour… On peut donc se demander si l’on sera capable, dans un avenir plus ou moins proche, de les doter d’une conscience elle-même artificielle. J’en doute, car d’un point de vue rosicrucien, la conscience est un attribut de l’âme. Or, il n’est pas dans notre pouvoir d’en faire don à quelque machine ou quelque robot que ce soit.
Une autre question se pose : l’intelligence artificielle sera-t-elle capable un jour de “penser”, de “parler” et d’“agir” de manière indépendante, c’est-à-dire sans aucun contrôle de l’homme ? Si oui, et en l’absence de toute conscience de ce qui est fondamentalement bon ou mauvais dans le comportement humain, comment ne pas craindre le pire, comme l’ont montré certains films d’anticipation ? Nous ne pouvons qu’espérer que les hommes sauront faire preuve de sagesse dans un domaine aussi sensible et qu’ils veilleront à ne pas créer de “golem” susceptible de se retourner contre eux et de les dominer, voire de les anéantir. En cela, nous ne pouvons qu’approuver les «23 principes d’Asilomar» destinés à encadrer le développement de l’intelligence artificielle ?