« Les hommes ont un défi majeur à relever : celui de savoir vivre ensemble. Le surhomme n’est pas celui qui est le plus fort, le plus puissant ; c’est l’ensemble des hommes. »
Albert Jacquart (1925-2013)
Dans nombre de pays, on entend couramment parler du « Vivre ensemble », au point que cette expression est devenue une sorte de slogan. Or, les mots « vivre » et « ensemble » accolés l’un à l’autre ne veulent pas dire grand-chose, car il est un fait que tous les êtres humains vivent ensemble sur notre planète. Dès lors qu’ils viennent au monde, ils doivent cohabiter, ne serait-ce qu’à l’échelle d’un village. Cela ne signifie pas pour autant que cette cohabitation se fait de manière harmonieuse et dans le respect mutuel. Pour s’en convaincre, il suffit de considérer l’état actuel de la société, laquelle est plutôt divisée et chaotique.
Que veut dire « bien vivre ensemble »
Il existe de nos jours environ 180 pays dans le monde. Combien, parmi eux, entretiennent de bonnes relations ? Combien coopèrent et s’entraident ? Qu’en est-il dans chaque territoire, chaque région, chaque métropole, chaque ville, chaque village ? Là aussi, on constate que le « Vivre ensemble » ne se fait pas vraiment dans une ambiance fraternelle et apaisée. Malheureusement, c’est plutôt le « chacun pour soi » et le « chacun chez soi » qui prédominent, avec ce que cela implique en termes d’exclusion, d’opposition et de discrimination. Or, ce qui importe, c’est de « bien vivre ensemble », c’est-à-dire de vivre en harmonie les uns avec les autres, dans un climat fraternel et avec le souci constant de privilégier l’intérêt général.
« Nous devons éveiller cette vertu qu’est la tolérance »
La question qui se pose est de savoir pourquoi les êtres humains ont tant de difficultés à bien vivre ensemble. D’une manière générale, c’est parce qu’ils ont beaucoup de mal à accepter et respecter leurs différences : de race, de nationalité, de culture, de classe sociale, de religion, d’opinions politiques, de convictions sociétales, etc. Or, cette non-acceptation et ce non-respect divisent, voire opposent les citoyens et se traduisent souvent par un « mal vivre ensemble ». Si nous voulons changer cet état de fait, nous devons éveiller cette vertu qu’est la tolérance, c’est-à-dire, précisément, l’aptitude à accepter et à respecter les différences entre les individus de tous pays, dès lors qu’elles ne nuisent pas à la vie en société. De toute évidence, cette vertu est difficile à éveiller, d’où les divisions, les oppositions et les conflits qui gangrènent les relations entre les uns et les autres.
« Chacun devrait se sentir et se comporter comme un citoyen du monde »
L’une des expressions majeures de l’incapacité de certains individus à accepter les différences est le racisme. Je ne comprends pas que l’on puisse rejeter, mépriser ou haïr une personne sous prétexte qu’elle n’a pas la même couleur de peau, la même nationalité ou la même culture. Tout raciste devrait se demander en quoi il est méritant d’être “blanc” plutôt que “noir”, “noir” plutôt que “blanc”, européen plutôt qu’asiatique, etc. De même, le simple bon sens devrait lui permettre de comprendre que tous les êtres humains ne peuvent pas naître sur le même continent, dans le même pays, dans la même région. De ce fait, ils présentent des caractéristiques liées à leur lieu de naissance et à leur milieu de vie. Mais ces caractéristiques font partie de la mosaïque humaine et font la richesse du genre humain. En outre, le niveau d’intelligence et de conscience des êtres humains ne dépend pas de leur ‘‘race’’, de sorte qu’aucune n’est supérieure à l’autre. En définitive, chacun devrait se sentir citoyen du monde et se comporter comme tel.
« La Terre est notre patrie ; l’Humanité est notre famille »
Le nationalisme exacerbé, tout comme le racisme, s’oppose au « bien vivre ensemble ». Il est naturel d’être attaché à sa nation, à son pays, à sa “mère patrie”, mais cela ne doit pas être au point de rejeter, d’exclure et encore moins de haïr les personnes qui habitent ou viennent d’autres pays. Vu sous cet angle, on ne doit pas confondre « être patriote », au sens d’aimer sa patrie, et « être nationaliste », au sens de n’aimer que sa nation. J’ai bien conscience que les flux migratoires qui s’exercent actuellement d’un continent ou d’un pays à l’autre, ou même les migrations individuelles ou familiales à destination de tel ou tel pays, peuvent poser problème à leurs habitants “de souche”. Mais ce n’est certainement pas en les dressant les uns contre les autres que l’on trouvera les solutions adéquates pour que tous trouvent leur place en ce monde. Dans ce domaine, chacun devrait faire sienne la devise « La Terre est ma patrie ; l’Humanité est ma famille ».
Œuvrer à l’avènement d’une Religion universelle
Malheureusement, la religion est également un vecteur de « mal vivre ensemble ». Au cours des âges, elle a généré nombre de guerres, de conflits et de dérives. Cela s’explique par le fait que les religions sont fondées sur des dogmes et que leurs fidèles ont tendance à penser que celle qu’ils suivent détient le monopole de la foi et de la vérité. De nos jours, les plus extrémistes et les plus fanatiques parmi eux vont jusqu’à tuer des innocents de la manière la plus brutale, pour ne pas dire la plus barbare. Si nous voulons que les religions contribuent au « bien vivre ensemble », il faut que tous leurs fidèles en viennent à faire preuve de tolérance et de respect envers ceux qui ne suivent pas le même credo. L’idéal serait qu’ils œuvrent conjointement à l’avènement d’une Religion universelle non dogmatique, fondée davantage sur la connaissance que sur la croyance.
« Aucun parti politique ne détient le monopole de la vérité et de la bonne gouvernance »
Comme c’est le cas de la religion, la politique est souvent un vecteur d’intolérance et d’irrespect. S’il en est ainsi, c’est parce que chacun projette en elle ses idées, ses convictions, ses opinions, lesquelles différent d’une personne à l’autre. Dès lors que les individus concernés manquent d’ouverture d’esprit et sont convaincus d’avoir raison, ils en viennent, au mieux à s’opposer, au pire à se combattre. Dans ce domaine, il y a également des idéologues et des extrémistes qui “font feu de tout bois” et qui utilisent la violence pour imposer leurs points de vue. Il faudrait au contraire que tout citoyen s’emploie à faire preuve d’ouverture d’esprit et envisage qu’il puisse être dans l’erreur. En effet, comme c’est le cas pour les religions, aucun parti politique ne détient le monopole de la vérité et de la bonne gouvernance.
« Nous sommes imparfaits, ne savons pas tout et sommes sujets à l’erreur »
Indépendamment de ces causes majeures de discorde entre les êtres humains, il y a naturellement toutes les incompréhensions, toutes les oppositions, tous les désaccords liés au fait qu’ils n’ont pas tous les mêmes opinions, les mêmes convictions, les mêmes avis sur les sujets de société ou sur la vie en général. Là aussi, si nous voulons bien vivre ensemble, il n’y a pas d’autre solution que de nous évertuer à être tolérants et respectueux à l’égard des autres, ce qui est à la fois une marque d’intelligence et une preuve de sagesse. Il faut également conscientiser le fait que nous sommes imparfaits, ne savons pas tout et sommes sujets à l’erreur (« Errare humanum est »). Autrement dit, nous devons avoir l’humilité de ne pas penser que nous détenons la vérité dans quelque domaine que ce soit et être capables de changer d’avis sur tel ou tel sujet de réflexion.
« Le bien vivre ensemble est fondé sur l’aptitude de chacun à exprimer le meilleur de lui-même »
En dernière analyse, le « bien vivre ensemble » est fondé sur l’aptitude de chacun à exprimer le meilleur de lui-même à travers son comportement. Il est évident que si tout être humain s’évertuait à être bienveillant dans la vie quotidienne, le climat social serait apaisé, alors que de nos jours, il est conflictuel dans quasiment tous les pays du monde. Cela ne veut pas dire que tout irait pour le mieux, car de nombreux problèmes restent à régler : les inégalités flagrantes sur le plan social, les discriminations raciales, culturelles et autres, les injustices en tous genres, les nombreuses formes de corruption etc., sans oublier l’état très préoccupant de la planète. Mais si ces problèmes étaient traités dans un esprit de tolérance et de respect mutuel, vous conviendrez certainement que cela favoriserait l’émergence de solutions et de décisions qui privilégieraient le bien commun et l’intérêt général.
Voici donc les quelques réflexions que je souhaitais vous soumettre à travers cet « Appel à bien vivre ensemble ». Ce sont là des évidences pour quiconque aspire à l’avènement d’une société fraternelle et apaisée. Si tel est votre cas, je vous invite à les partager et à prendre vis-à-vis de vous-même l’engagement suivant : « Souhaitant contribuer au bien vivre ensemble, je m’engage à cultiver la tolérance et le respect dans mes relations avec autrui ».
Dans les liens du « bien vivre ensemble ».