« La légende des siècles »
Tout d’abord, il est utile de rappeler que le mot « égrégore », en langue française, est apparu au XIXe siècle. Pour être plus précis, on le trouve dans un recueil de poèmes de Victor Hugo, publié en 1857, intitulé « La légende des siècles » : « … Un vieillard se troublerait devant ce jeune homme ; il sait l’art d’évoquer le démon, la stryge, l’égrégore ; il tient sa dague avec du suc de mandragore ; il sait des palefrois empoisonner le mors ; dans une guerre, il a rempli de serpents morts les citernes de l’eau qu’on boit dans les abruzes ; il dit “La guerre est sainte !” et rend compte des ruses… » Le succès de ce recueil, conçu comme une œuvre monumentale ayant pour but de dépeindre l’histoire de l’humanité, fit connaître davantage le mot « égrégore », sans pour autant en expliciter le sens.
L’étymologie du mot « égrégore »
En réalité, le mot « égrégore » est très ancien, puisqu’il est dérivé du terme grec « égrègora », retranscrit en latin par « egregius », et qui avait pour sens « qui est éveillé » ou « qui veille ». À cette époque, ce mot désignait un ensemble de divinités ou d’entités spirituelles censées veiller sur tel peuple ou telle communauté. Les prêtres de la Grèce et de la Rome antiques étaient supposés jouer un rôle intermédiaire entre le peuple et l’égrégore formé par ces divinités ou entités. Plus tard, l’Église chrétienne reprit cette idée en laissant supposer que les anges et les saints forment des égrégores spirituels qui veillent sur les fidèles et les protègent depuis le monde invisible.
L’usage ésotérique du mot « égrégore »
Au XIXe siècle, Eliphas Lévi, figure majeure de l’ésotérisme judéo-chrétien, auteur de nombreux ouvrages sur ce thème, employait le mot « égrégore » pour désigner l’entité collective formée par un groupe de personnes unies par une même étude, un même idéal, une même pratique, etc. Quant à Stanislas de Guaita, cofondateur de l’Ordre kabbalistique de la Rose-Croix avec Papus et Joséphin Péladan (respectivement cofondateur de l’Ordre Martiniste avec Augustin Chaboseau ; créateur des Salons de la Rose-Croix), il l’utilisait pour désigner un ensemble de formes-pensées, en particulier celles émises au cours d’un rituel ou d’une cérémonie par l’ensemble des participants. Dans certains cas, l’égrégore ainsi formé avait selon lui des vertus quasiment magiques.
L’égrégore Rose-Croix
La notion d’égrégore est également présente dans l’Ancien et Mystique Ordre de la Rose-Croix. Il correspond alors à l’idée-force qui réunit tous ses membres à travers le monde, lesquels étudient le même enseignement et suivent la même philosophie. D’un point de vue rosicrucien, cette idée-force s’apparente à un champ d’énergie qui constitue en lui-même une source d’inspiration, de régénération et de protection. La manière de s’harmoniser avec lui est expliquée aux membres de l’A.M.O.R.C. dès le début de leurs études. Sans aller jusqu’à dire qu’il possède des vertus magiques, il exerce une influence très positive sur eux, que ce soit dans le cadre de leurs études personnelles ou des travaux collectifs tenus dans les Loges.
L’égrégore de l’humanité
Indépendamment de tout contexte ésotérique ou mystique, l’humanité elle-même s’inscrit dans un égrégore formé par l’ensemble des pensées émises par les hommes, les femmes et les enfants vivant actuellement sur Terre. Celui-ci est donc le reflet du niveau de conscience qu’elle a atteint collectivement à ce stade de son évolution. De toute évidence, il est plutôt négatif sur le plan vibratoire, car le monde est encore sous l’influence de ce qu’il y a de moins noble dans la nature humaine : violence, égoïsme, intolérance, cupidité, vengeance, etc. Il ne dépend que de nous de faire en sorte qu’il soit positif et bénéfique à tous. Comment ? En nous évertuant à éveiller en nous la non-violence, la générosité, la tolérance, la bienveillance, l’intégrité et autres vertus qui concourent au bien commun.