L’A.M.O.R.C. a publié un Manifeste qui se termine par un texte qualifié d’« utopie ». Ce texte est repris point par point dans ce livre et commenté à la lumière de la philosophie rosicrucienne. De chapitre en chapitre, il dévoile une société idéale à travers des domaines aussi variés que la politique, l’économie, la science, la médecine, l’art, l’écologie, la religion, etc. En cela, il propose une approche à la fois humaniste et spiritualiste de la vie en société et ouvre des perspectives positives sur l’avenir.
Avant-propos
« Cher lecteur,
Tout d’abord, je dois préciser que les idées exprimées dans ce livre ne représentent pas l’enseignement officiel de l’Ancien et Mystique Ordre de la Rose-Croix, considéré dans le monde entier comme un mouvement philosophique non sectaire, non religieux et apolitique. Elles traduisent simplement l’idée que je me fais de la société idéale, non seulement en tant que Rosicrucien, mais également en tant que Citoyen du monde. Naturellement, cette idée est empreinte de la philosophie rosicrucienne, laquelle est humaniste et spiritualiste par nature. Par ailleurs, je sais que de nombreux membres de l’A.M.O.R.C. la partagent. Cela dit, les explications données dans cette «Utopie rosicrucienne» s’adressent à toute personne qui aspire à un monde meilleur, fondé sur des valeurs universelles. Précisons si besoin est qu’elles ne sont en aucun cas dogmatiques, de sorte que chacun est entièrement libre de ne pas y souscrire. Il faut plutôt les considérer comme une base de réflexion et de méditation.
Dans la plupart des livres de référence, le mot «utopie» est défini comme «une société idéale mais imaginaire, telle que la conçoit et la décrit un auteur donné», ou encore comme «un projet social dont la réalisation est impossible». Au cours des siècles passés, nombre de philosophes et de penseurs ont imaginé des utopies et décrit la société idéale, telle qu’ils la concevaient. Parmi eux, citons notamment Homère, Plutarque, Ovide, Virgile, saint Augustin, Platon, Thomas More, Campanella, Rabelais, Jean Valentin Andreae, Francis Bacon, John Harrington, Voltaire, Charles Fournier, Aldous Huxley, etc. D’une manière générale, les utopies se classent en trois catégories : les utopies à connotation religieuse, les utopies à connotation politique, et les utopies à connotation philosophique. Pour des raisons compréhensibles, les premières reflètent les conceptions religieuses de l’auteur, lesquelles diffèrent selon qu’il est Chrétien, Juif, Musulman, etc. À titre d’exemple, l’utopie de Jean Valentin Andreae, intitulée «Reipublicae christianopolitanae descriptio», publiée en 1619, partait du principe que la société idéale devait avoir pour fondement la doctrine et la morale chrétiennes. Comme leur nom l’indique, les utopies politiques sont fondées sur une approche politique, sinon idéologique, de l’État idéal. En règle générale, elles sont plutôt matérialistes, à l’image du «marxisme», du nom de Karl Marx, son fondateur. Quant aux utopies philosophiques, elles sont généralement spiritualistes ou agnostiques. Dans le premier cas, elles tiennent pour une évidence l’existence de Dieu et de l’âme humaine, mais sont dénuées de toute connotation dogmatique, à l’image de la «République» de Platon. Dans le second cas, elles font appel à ce qu’il y a de meilleur en l’homme, sans allusion à la présence en lui d’une âme, et à fortiori sans référence à Dieu. En cela, nous pouvons dire qu’elles sont humanistes.
Au regard des remarques précédentes, les utopies religieuses ont souvent l’inconvénient de privilégier la doctrine et la morale d’une religion particulière. De ce fait, elles sont généralement rejetées par ceux et celles qui suivent un autre credo. Dans certains cas, elles sont dogmatiques, voire même intégristes. De leur côté, la plupart des utopies politiques sont marquées par une idéologie partisane, de sorte qu’elles nourrissent des clivages entre les citoyens, avec tout ce qui en résulte en termes d’oppositions et de conflits. Pire encore, elles sont parfois totalitaires. D’un point de vue mystique, ce sont les utopies philosophiques de type spiritualiste qui présentent le plus d’intérêt, car elles ne sont généralement ni dogmatiques, ni partisanes, ni exclusives. Autrement dit, elles ne sont l’expression, ni d’un credo religieux particulier, ni d’une idéologie politique précise. Cela suppose que l’utopie idéale est celle qui peut rassembler tous les hommes autour d’un même projet de société, et ce, indépendamment de leur race, de leur nationalité, de leurs croyances religieuses, de leurs opinions politiques, de leur classe sociale, etc. Il est très difficile à une seule personne d’imaginer et d’exprimer par écrit une telle utopie, car cela implique d’avoir une vision universelle et intemporelle de la condition humaine, ce qui est quasiment impossible. Pour qu’elle soit véritablement idéale, il est donc préférable qu’elle soit l’œuvre, non pas d’un seul individu, aussi inspiré soit-il, mais d’un collège de penseurs représentatifs de toutes les cultures, de toutes les traditions, de toutes les religions, etc.
Étant donné qu’une utopie se rapporte généralement à une société idéale dont la réalisation est impossible a priori, on peut se demander en quoi elle est utile. En fait, tout dépend de son contenu : si les principes sur lesquels elle repose sont véritablement humanistes et visent réellement le bonheur de tous, elle est alors un vecteur d’espérance et cultive l’idée qu’il est possible de créer un monde meilleur, ce à quoi tous les hommes aspirent plus ou moins consciemment. Si en plus elle incite tout individu à se parfaire pour devenir lui aussi meilleur sur le plan individuel, elle contribue parallèlement à l’élévation des consciences, ce qui devrait être le but de tout projet de société. Vue sous cet angle, la valeur d’une utopie réside autant dans la noblesse des idéaux qu’elle porte en elle que dans le fait de savoir s’il est possible ou non de la réaliser, ce qui fit dire à Platon : «L’utopie est la forme de société idéale. Peut-être est-il impossible de la réaliser sur Terre, mais c’est en elle qu’un sage doit placer tous ses espoirs». C’est précisément pour cette raison que les Rosicruciens sont enclins à se tourner vers les utopies philosophiques de type spiritualiste, d’autant plus que la philosophie, au sens littéral du terme, est l’«amour de la sagesse». En cela, une utopie ne peut être valable que si elle cherche à faire le bonheur des hommes avec eux, et non malgré eux, comme ce fut et comme c’est encore le cas de certaines idéologies religieuses et politiques. Cela suppose effectivement qu’elle soit imaginée et mise en œuvre, sinon par des sages, du moins par des penseurs épris de sagesse.
L’Ordre de la Rose-Croix a publié un Manifeste dans lequel ses dirigeants donnent leur position sur la situation générale du monde, d’où son titre «Positio Fraternitatis Rosae-Crucis». Ce Manifeste, qui a été traduit en une vingtaine de langues, se termine par une utopie dont les auteurs ont donc des nationalités, des opinions politiques, des croyances religieuses et des cultures différentes. Si, au-delà de ces différences, ils se sont accordés sur une même vision de la société idéale, c’est précisément parce que la philosophie rosicrucienne porte en elle un désir d’universalité qui privilégie l’unité dans la diversité. Voici le texte de cette utopie :
«Dieu de tous les hommes, Dieu de toute vie, dans l’humanité dont nous rêvons :
Les politiciens sont profondément humanistes et œuvrent au service du bien commun.
Les économistes gèrent les finances des États avec discernement et dans l’intérêt de tous.
Les savants sont spiritualistes et cherchent leur inspiration dans le Livre de la Nature.
Les artistes sont inspirés et expriment dans leurs œuvres la beauté et la pureté du Plan divin.
Les médecins sont animés par l’amour de leur prochain et soignent aussi bien les âmes que les corps.
Il n’y a plus de misère ni de pauvreté, car chacun a ce dont il a besoin pour vivre heureux.
Le travail n’est pas vécu comme une contrainte, mais comme une source d’épanouissement et de bien-être.
La nature est considérée comme le plus beau des temples et les animaux comme nos frères en voie d’évolution.
Il existe un Gouvernement mondial formé par les dirigeants de toutes les nations, œuvrant dans l’intérêt de toute l’humanité.
La spiritualité est un idéal et un mode de vie qui prennent leur source dans une Religion universelle, basée davantage sur la connaissance des lois divines que sur la croyance en Dieu.
Les relations humaines sont fondées sur l’amour, l’amitié et la fraternité, de sorte que le monde entier vit dans la paix et l’harmonie.
Qu’il en soit ainsi !».
L’objet de ce livre est de reprendre un à un les points de cette utopie et de les commenter à la lumière de la philosophie rosicrucienne. En le lisant, vous pourrez ainsi vous faire une idée de ma vision de la société idéale, étant entendu, je le répète, qu’elle n’a aucun caractère dogmatique et qu’elle ne représente pas l’enseignement officiel de l’A.M.O.R.C., dont elle s’inspire néanmoins. Peut-être est-elle trop utopiste ?
Vous en souhaitant une bonne lecture, recevez mes meilleures pensées.
Fraternellement. »
Diffusion Rosicrucienne
128 p.
ISBN 978-2-914226-41-7